Désinformation en milieu non hostile

Désinformation et Ecologie

Petit coup de gueule ce jour. Je n'aime pas parler de sujet qui fâchent, mais parfois c'est nécessaire de les aborder. S'il est facile de critiquer la désinformation dans un domaine qui ne nous touche pas, il est plus difficile de faire de même au sein d'un domaine pour lequel nous n'avons aucune hostilité. Voilà bien des années que je me renseigne sur l'écologie et que j'ai pu voir l'évolution du rapport de notre société à ce domaine (ça doit être mon côté anthropologue qui ressort). Si je suis ravie de voir que la société s'ouvre de plus en plus à ce sujet, s'y intéresse, et tente de plus en plus de s'informer sur ce qui se passe derrière les industries et leurs conséquences sur notre environnement. Cependant, depuis que le sujet est sur le devant de la scène, s'ouvrant à un vaste public, il semblerait qu'il pâtisse des mêmes travers que tous les autres domaines de la société : désinformation, extrémisme, ou à l'inverse négationnisme, relativisme. Je ne vais pas m'attaquer ici aux opposants à l'écologie, il y a pléthore d'articles sur le sujet, et j'estime que c'est le droit de chacun d'avoir un avis différent sur ce sujet (un jour où l'autre ils seront de toute façon confrontés à la réalité, donc pas la peine de se fatiguer). Par contre, ce qui concerne les travers appartenant au mouvement écologiste lui-même, il me semble absolument nécessaire d'en parler et d'avoir assez de recul et d'auto-critique avant que ça ne tourne au drame.

Désinformation dans les milieux écolo :

J'ai souvent rejoint des groupes autour de l'écologie, pensant y trouver de la bienveillance, des gens ouverts, prêts à aider les autres à changer leurs habitudes. Et il semblerait que mes attentes étaient bien naïves. Plus le sujet de l'écologie devenait "mainstream" et plus on y trouvait surtout du jugement, des critiques envers ce que les autres mettaient en place, voir carrément des insultes envers certain(e)(s) qui débutants, pouvaient se tromper en pensant bien faire. Passé ce moment de déception, je me suis seulement dit qu'il était normal au final d'avoir dans ce domaine, tout ce que l'on trouve aussi dans la société, en bien ou en mal. Cependant, ce que je trouve plus problématique, est que de plus en plus souvent, il apparait que des fausses informations se transmettent ultra rapidement via ces milieux en jouant sur leur militantisme. Je doute que ces désinformations viennent de milieux écologistes, mais c'est bien les militants de ce domaine qui sont utilisés, en jouant sur le besoin de dénoncer le greenwashing. Donc en tant que personne écologiste, ou souhaitant protéger la planète, nous nous devons de rester prudents, et de bien vérifier les informations, même lorsqu'elles proviennent de notre propre mouvement, ou qu'elle sont en adéquation avec nos valeurs. Ne nous laissons pas être instrumentalisés de la sorte. 

Incitation à l'Ecologie

Un exemple de désinformation :

A plusieurs reprise, sur le sujet des labels et du bambou, je me suis heurtée à énormément de fausses informations, ou plutôt des informations tronquées ou déformées pour jouer sur la corde sensible des militants. Pour leur donner envie de descendre/casser de nouvelles pratiques qui pourtant, même imparfaites, une fois développées pourraient être des alternatives intéressantes. Pour le bambou, j'ai écris un article dédié, achevé après énormément de recherches, où j'ai vu les mêmes désinformations pululer partout sur la toile, sans se baser sur des sources sûres ou complètes. Pour les labels, c'était encore plus flagrant, et c'est cet exemple que je vais développer ici. J'ai vu du jour au lendemain, après le développement des labels GOT et OEKO-TEX, des blocs de texte (le même partout, du copié/collé), être balancé à tord ou à travers en commentaire de conversations (groupes, réseaux sociaux, sites), incitant à penser que ces labels étaient faussement écologiques, ou bien qu'ils ne fallait pas les soutenir car ils ne vérifiaient pas les conditions sociales des employées durant la fabrication, ni les conséquences sur l'environnement durant la fabrication textile. Or, j'ai beau relire les sites officiels des 2 labels, il y a bien des actions menées en ce sens dans leurs cahier des charges, selon certains labels particuliers. Donc les accuser ainsi, et demander leur boycott me parait totalement contre-productif. Si tous leurs labels n'ont pas ces vérifications en place, c'est juste parce que ceci demande du temps pour se développer, trouver les finances et le personnel pour les vérifications (un label qui mettrait ceci dans son cahier des charges, sans avoir les moyens de contrôler, serait bien vide de sens et trompeur pour le client). Le boycott ne ferait qu'empêcher le développement, et la possibilité d'étendre ces vérifications à toutes leurs catégories de labels. C'est ce qui me fait demander si ces désinformations ne viennent pas directement des opposants à ces labels, qui a compris comment instrumentaliser les propres clients de ces labels qui commencent à leur faire de l'ombre. Soyons vigilants. Mieux vaut la généralisation de ces labels, même imparfaits, que de laisser se développer leurs opposants qui ne sont absolument pas prêt au moindre effort concernant la transparence, l'utilisation de la pétrochimie, l'exploitation humaine, ou leur impact sur leur environnement. Aidons ces labels à évoluer, à aller plus loin, à corriger leur défauts, au lieu de les briser dans leurs ascension.

Comment lutter contre la désinformation ?

Pour savoir comment lutter contre la désinformation, il faut d'abord prendre du recul sur notre rapport à l'information. Avec le développement et la généralisation des réseaux sociaux, tous nos médias se tournent de plus en plus vers des sujets et des formats qui suscitent la réaction, car les algorithmes se basent sur cette données pour faire remonter un information. Plus ça fait réagir, plus l'information apparait en tête. Pour contre-carrer cet effet, il est très important de toujours prendre un moment pour se distancier à ce qu'on vient de lire. La réaction est humaine, on ne pourra pas l'empêcher (on est pas des machines nous !). Donc, la seule méthode qui peut fonctionner, c'est dès qu'on lit une information et que l'on se sent touché, en colère, triste etc, on doit se retenir de réagir sur l'instant. Avoir ce recul de se demander, qu'est-ce qui nous touche ? pourquoi ? qui est visé ? quelles sont les conséquences de ma réaction potentielle ? cela permet de ne pas rester bloqué par l'émotionnel, et de passer au dessus. Je sais que ce n'est pas facile à faire, et qu'il faut parfois mettre énormément son ego de côté, ou son envie de justice, mais c'est vraiment nécessaire pour ne pas se laisser manipuler. Vos émotions vous appartiennent, ne les laissez pas vous contrôler.

Il vaut mieux noter ce qu'on vient de lire, vérifier ou demander d'où vient l'information elle même, et sa date (que vous connaissiez ou non la personne vous donnant l'info, demandez lui tout simplement où il a lu cette donnée car vous souhaitez en savoir plus par exemple). Le but de remonter à la source, est de voir si l'information est vérifiable (si elle est vrai ET fiable), et si elle est toujours d'actualité (on peut avoir une information tout à fait vérifiable mais qui date tellement qu'entre temps, tout à changé). Dans le cas de l'exemple des labels, le bloc de texte était en français et toujours le même, alors que le site du label est entièrement en anglais, donc c'était déjà là une alerte pour se dire que la traduction pouvait être soit biaisée, soit venir d'un site différent du site officiel, soit tout simplement ne plus du tout être à jour. Il faut aussi vérifier les intérêts de la source elle-même. Est-ce que l'origine de la source (le rédacteur de l'article) a un intérêt dans les propos tenus. Si par exemple le rédacteur est engagé par un site lié à grand groupe dans l'industrie du textile, ou si quelqu'un de son entourage a un intérêt dans ce domaine, son point de vue peut être fortement lié à cet intérêt. Son avis n'en sera pas forcément faux pour autant, mais il méritera donc d'être vérifier par un croisement d'informations. En tant que documentaliste, cette méthode m'est naturelle, mais peut être plus délicate pour quelqu'un qui n'a jamais eu de cours sur le sujet.

Croiser les informations : j'en parle tout de même, car je trouve cette méthode très utile au quotidien, et qu'elle permet de se remettre en question très souvent. Il s'agit là, en très gros résumé, de choisir plusieurs sources considérées comme fiables (sources dont les intérêts sont identifiés, évaluées, reconnus). On prendra des sources opposées à la source à vérifier, et à l'inverse en accord avec celle d'origine, des sources liées au domaine de manière professionnelle et n'ayant pas de liens avec la source d'origine ou leurs opposants. Ensuite on pourra comparer les informations de ces différentes sources sur notre sujet pour en dégager une analyse. Il est nécessaire de mettre son avis personnel de côté car on va forcément lire des sources qui ne correspondent pas à nos valeurs, mais on peut ainsi apercevoir leur manière de manipuler l'opinion, ce qui est intéressant en soit, mais en effet délicat et long à faire.

Méthodologie de l'information

Allez plus loin :

  • Un super article de blog datant du 22 avril 2018, mais dont les informations n'en sont pas dépassées pour autant, qui va vous permettre d'acquérir de bons reflexes et de réfléchir à votre rapport à l'information : Blog Chez Le Père Magraine - Comment identifier une source fiable : https://chezleperemagraine.com/blog/laitue-diante-identifier-une-source-fiable/
  • Un article de juillet 2022, chez Ascodocpsy (réseau documentaire en santé mentale) sur la nécessité de croiser les informations, avec de bons outils de vérifications. [Allo la doc ?] Comment reconnaître une information fiable : trucs et astuces pour acquérir des réflexes
    https://www.ascodocpsy.org/trouvez-de-linformation-psychiatrie-sante-mentale/allo-la-doc/allo-la-doc-comment-reconnaitre-une-information-fiable-trucs-et-astuces-pour-acquerir-des-reflexes/
  • L'origine de la désinformation sur OEKO-TEX (oui après recherches j'ai trouvé d'où venait le bloc de texte le concernant). C'est un site belge LABELINFO, qui propose de courtes descriptions sur les divers labels. Le problème ici est que aucun des articles descriptif n'est daté, ce qui fait qu'il peut être facilement non mise à jour, et prêter à interprétation de par ses biais et raccourcis. De plus il ne cite que le label "OEKO-TEX 100" de l'association OEKO-TEX, alors qu'il existe bien d'autres labels gérés par la même association, avec bien d'autres cahiers des charges plus poussés concernant le social et l'environnement. Je vous laisse donc le lien pour en juger par vous même. Je vous invite pour l'exercice à bien analyser leur "à propos" pour comprendre leurs biais potentiels. Article OEKO-TEX 100 de Labelinfo : https://www.labelinfo.be/fr/label/construction-oeko-tex-100
  • Le site officiel (en anglais désolée), du label OEKO-TEX qui vous présente ses divers standards et labels (et pas uniquement le standard OEKO-TEX 100, dont le standard "OEKO-TEX Made in Green" qui propose justement une vérification sur les conditions sociales des travailleurs dans la fabrication textile", qui contredit donc l'interprétation biaisée que certains font de l'article belge infolabel. Page "Our Standards" du site OEKO-TEX.com : https://www.oeko-tex.com/en/our-standards
  • site officiel du label GOTS (en anglais uniquement) où vous avez accès à l'intégralité des cahiers des charges et standards du label, dans leur version la plus à jour : https://global-standard.org/
  • Article du label ECOCERT (organisme de certification de produits et services), sur le sujet de GOTS, présentant ses intérêts pour le consommateur : https://www.ecocert.com/fr-FR/certification/textile-biologique-gots
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